La bouteille Delft

Historique

La bouteille de Delft (BD) est un préleveur de matières en suspensions (MES). Elle a été développée par le laboratoire hydraulique de Delft il y a plus d’un demi-siècle.
La BD permet un échantillonnage des MES en un point de la colonne d’eau depuis 5 cm du fond jusqu’au sommet. En fonction de la proximité du fond, la méthode de déploiement de la BD va évoluer.
La caractéristique principale de la BD par rapport aux autres préleveurs de MES est qu’elle permet de récupérer un volume important de MES, en effet la forme interne du préleveur laisse décanter les MES suite à un effet venturi qui diminue la vitesse du courant dans la BD.
Mais l’handicap de la BD est qu’elle ne piège que les sables à partir de 50 µm et laisse passer les limons et argiles. De plus d’après Van Rijn (2006), les mesures ne peuvent être effectuées qu’à partir d’une concentration supérieure à 10 mg. l-1 et pour des vitesses inférieures à 2.5 m. s-1. Elle ne peut donc pas être employée dans toutes les conditions d’écoulement sur les différents cours d’eau.
Néanmoins, elle est utilisée sur la Loire (Peters, 2002; Gautier et al., 2007), le Rhin (Zanen, 1967), l’Escaut (Plancke et al., 2006), le Danube (Dijkman et Milisic, 1982) , le Mississippi (Beverage et Williams, 1989), le Colorado (Beverage et Williams, 1989), le Niger, le Gorai (Bengladesh) ou dans des pays comme l’Azerbaïdjan, la Lettonie, le Portugal ou la Russie d’après l’Organisation Mondiale de Météorologie (Buzas et al., 2002).


Description

Le corps de la BD a une forme de bouteille de 445 mm de long, pour un diamètre de 195 mm et un poids de 20 kg.
Un embout de diamètre 15.5 mm (1.9 cm²) ou 22.0 mm (3.8 cm²) et de forme rectiligne ou incurvé est fixé en tête de la bouteille. Le choix du diamètre va se faire en fonction de la vitesse du courant et la forme de l’embout dépend elle de la distance du prélèvement par rapport au fond.
L’intérieur de la BD est constitué de 3 chambres principales dont la complexité des liaisons provoque le ralentissement des flux et le dépôt des MES.
Sur la partie arrière de la bouteille, 4 ouvertures permettent l’évacuation du flux et peuvent être obstruées en fonction de la vitesse du courant et des embouts utilisés. Cette face est également munie d’une ouverture par charnière qui permet la collecte des sédiments une fois l’acquisition effectuée
En fonction de la profondeur d’échantillonnage, le montage de la bouteille pour l’immersion va être différent. A partir du fond :
Entre 5 et 30 cm, la bouteille va être fixée sur un support tripode de 66 kg, avec une inclinaison qui va limiter les perturbations de l’écoulement sur le fond et l’entrée coudée de la BD.
 
Entre 30 et 50 cm, la BD sera également fixée sur ce tripode, mais dans une position horizontale et avec une entrée droite.
Pour le reste de la colonne d’eau, la BD sera dépourvue de ce tripode et suspendue directement à un câble. Une dérive d’un poids de 3 kg est alors ajoutée pour maintenir la BD dans le sens du courant.
 Le kit d’instrumentation de la BD comporte également un bac de récupération des sédiments et des éprouvettes graduées qui permettent de déterminer sur le terrain les volumes collectés.

Fonctionnement

Mise en Å“uvre

La BD permet de collecter les sables à partir de 50 µm dans la colonne d’eau, les limons et argiles ne sont pas décantés. La bouteille peu s’utiliser pour des vitesses allant jusqu’à 2.5 m. s-1. En dessous de 1.0 m. s-1, la BD est mise en Å“uvre avec l’embout de diamètre 22.0 mm (3.8 cm²) et entre 1.0 et 2.5 m. s-1, c’est l’embout de 15.5 mm (1.9 cm²). Pour les vitesses les plus rapide, Peters (2002), recommande de fermer deux des 4 sorties de la bouteilles à l’arrière. Cette information ne figure pas sur la notice de fonctionnement fournie avec la BD, mais les bouchons sont livrés de série par le fabricant.
Avant de mettre à l’eau la BD pour la collecte de l’échantillon, il est donc nécessaire de connaître la vitesse du courant sur le point de prélèvement dans la colonne d’eau. Cette mesure peut être effectuée par un aDcp ou pour un courantomètre monté sur un saumon. Chacun des deux outils a des avantages et des inconvénients. Le problème principal de l’aDcp étant une mauvaise estimation de la vitesse au plus proche du fond, de plus pour des profondeurs importantes, la vitesse calculé par l »aDcp se fera à partir de la rétrodiffusion de faisceaux couvrant une grande superficie au fond de par l’inclinaison des têtes de l’appareil à 25° ; mais l’aDcp fourni une mesure instantanée de la vitesse su la totalité de la colonne d’eau à partir de la surface. Les courantomètres plus classiques nécessitent de descendre l’appareil au niveau du point de mesure pour avoir une information de la vitesse, mais il fournit l’information au niveau du point de mesure.
De plus la mesure de la vitesse sera importante à connaître pendant la prise de l’échantillon à la BD, l’outil idéal serait un  courantomètre fixé sur le cadre de la BD ou sur le câble en fonction du mode d’utilisation.
Une autre information à acquérir est la hauteur de la colonne d’eau qui va permettre de déterminer l’échantillonnage. Cette dernière est acquise par un sondeur de précision (l’échantillonnage proche du fond à 5 cm nécessite au moins un appareil avec une marge d’erreur inférieure). L’aDcp peut également être utilisé à cet effet, mais comme précédemment, il va fournir une profondeur moyennée à partir du résultat des 4 faisceaux, qui va engendrer une erreur de plus en plus importante en fonction du milieu instrumenté et de la profondeur du plancher alluvial.
Après ces mesures et l’adaptation de la BD aux conditions du milieu, la mise à l’eau doit s’effectuer à partir d’une grue munie d’un treuil et d’un compteur de profondeur. La BD est amenée à la profondeur voulue pour la mesure. La collecte de l’échantillon est effectuée en 10 à 15 min. Une fois ce temps écoulé, la BD est remonté en surface à une vitesse comprise entre 10 et 20 cm. s-1 et ce afin de ne pas perdre ou collecter d’échantillons pendant cette phase.
Le protocole de prélèvement à suivre a été mis en place par Eijkelkamp (2003) qui fabrique la bouteille :
§  Placer la BD à la surface de l’eau.
§  Descendre la BD jusqu’à ce qu’elle soit totalement dans l’eau. La présence d’air dans le corps de la BD provoque une inclinaison de cette dernière vers l’arrière. Laisser l’air s’échapper.
§  L’expulsion de l’air peu être accélérer en inclinant la bouteille avec un crocher à partir de la dérive.
§  Attendre que la bouteille ai repris une position horizontale
§  Placer le conteur de profondeur sur la grue à 0.
§  Descendre rapidement la BD jusqu’à la profondeur désirée ou sur le fond (attention à la mise en suspension au contact du fond).
§  Démarrer le chronométrage pour 600 à 900 secondes.
§  A la fin du chronométrage remonter la BD à une vitesse continue entre 10 et 20 cm. s-1. Attention à ce que l’arrière de la ND ne soit pas trop incliné à la sortie de l’eau au risque de perdre une partie de l’échantillon.
§  Amener la bouteille au dessus de l’entonnoir et vider la chambre de la BD par l’ouverture arrière à l’aide de la dérive ou du tube destiné à cet effet si elle est montée sur la structure.
§  Rincer la bouteille et laisser décanter l’échantillon dans l’éprouvette.
§  Remettre la BD en position initiale en fermant bien l’arrière.
§  Après décantation de l’échantillon noter le volume et remplir la fiche de renseignement.
La fiche de renseignement type fournie en annexe comporte, en plus des informations générales sur le profil instrumenté :
L’heure et les durées de descente montée et échantillonnage, la distance au fond, à la surface et la profondeur de la verticale, la vitesse du courant sur le point de prélèvement, le volume d’échantillon collecté, puis un espace pour le poids, la masse volumique, le D50, le facteur de correction et enfin le débit solide qui seront renseignés ultérieurement.
A ces données, il est souhaitable de rajouter un identifiant pour l’échantillon et le type d’embout utilisé pour effectuer la mesure. Une nouvelle fiche de terrain va donc être constituée.
Une fois les échantillons traités, il est possible de déterminer le débit solide pour la surface instrumenté à partir des formules suivantes (S en kg. m2. s-1) :

        
Avec :
α, le facteur de calibration variant entre 0.7 et 2.5.
p, le facteur de porosité
rs, la densité des sédiments (2 650 kg. m3).
Gs, la masse de sédiment (en mg)
Vs, Le volume total de l’échantillon (en m3)
F, la surface d’ouverture de l’embout (en m2)
T, la période d’échantillonnage (en s)

Calibration, validation de la mesure

Entre 1978 et 1982, Dijkman et Milisic ont effectué des recherches sur la validité des mesures obtenues avec la BD, l’USP-61 (piège à sédiment à clapet développé par l’USGS) et des préleveurs de type pompage filtration (Van Rijn, 2006). Ces test ont été effectué en laboratoire (Dijkman, 1978; Dijkman, 1981) et en Yougoslavie sur le Danube (Dijkman et Milisic, 1982). Les résultats sont résumés par Van Rijn (2006).
A partir des courbes de calibrations de la BD en fonction de l’embout employé, les résultats varie dans une gamme de 10 à 100 % par rapport à l’USP-61, en fonction principalement de la taille du grain moyen dans le milieu échantillonné et du type d’embout employé (Tableau 1). Une autre possibilité quand à cette différence est probablement la perte de sédiment pendant la remonté de la BD à la surface d’après les auteurs.


Valeur moyenne et écart-type des mesures de MES par ratio de fraction sédimentaire
D=70-150 µm
D=150-2320 µm
D>230 µm
Moy.
ET
Moy.
ET
Moy.
ET

USP-61 / BD (1)
1.62
0.54
1.20
0.43
1.06
0.61
USP-61 / BD (2)
2.06
1.05
1.49
0.70
1.06
0.49
USP-61 / BD (3)
1.54
0.46
1.38
0.44
1.56
0.63
USP-61 / BD (4)
1.50
0.39
1.26
0.31
1.27
0.30
USP-61 / Pompe
1.07
0.3
1.02
0.25
0.84
0.27
Tableau 1 : Comparaison de la BD et de l'USP-61 (1-gros embout droit ; 2-gros embout coudé ;3-petit embout droit ; 4-petit embout coudé) dans Van Rijn (2006)

Il apparaît effectivement que les résultats obtenus avec la BD se rapprochent plus de la réalité pour un flux constitué principalement de sédiments grossier, avec un débit assez faible. Par contre dans des débits plus forts, la taille de la granulométrie ne semble pas avoir d’impact sur le fonctionnement de la BD et le rapport des résultats avec ceux de l’USP-61 se situ entre 1.26 et 1.56.
Les auteurs notent également qu’une période de mesure de 15 min permet de diminuer la marge d’erreur.
Quelques années plus tard, Beverage et Williams (1989) effectuent également une série de comparaison entre la BD et l’USP-61 sur le Colorado et le Mississippi.
Ils notent les mêmes différences dans leurs résultats que Dijkman et Milisic. Mais les deux outils ne sont au final pas destiné au même usage. L’USP-61 collecte un échantillon vrai du flux, et comme avec une bouteille Niskin, permet des analyses sommaires sur les MES contenu, alors que la BD est elle destiné à collecté un échantillon de sable Il va être possible de calculer le flux de sable e transit (hors charge de fond sur une section) et d’effectuer des analyses plus nombreuses sur l’échantillon collecté de par son volume.

 Coefficient de correction (α)

Synthèse bibliographique des zones instrumentées et des résultats

Si un grand nombre des documents recensés mentionne l’utilisation de la BD, très peu présentent les résultats obtenus aux cours des missions.
Plancke et al. (2006) utilisent la BD couplée à un Acoustic Sand Transport Meter (ASTM), pour déterminer le transport réel de sables dans le flux en fonction des variations du débit à l’embouchure de L’Escaut (Plancke et al., 2006) , dans le cadre d’une gestion morphologique du cours d’eau, préservant l’accès au port de Antwert et l’environnement naturel. Les mesures sont effectuées sur trois verticales au niveau d’un banc sableux. Les données acquises sont également utilisées pour calibrer des modèles numériques de transport solide (Simona Software 2D et Delft3D software).
 Zanen (1967), cherche à mettre en évidence des variations du transport de sable à proximité du fond dans les cours d’eau à fond sableux pour que des dunes hydrauliques puissent se mettre en place et se déplacer. Pour cela il utilise la BD pour capter la charge en suspension / saltation et un BTMA pour piéger la charge de fond dans le Rhin à Arnhem. Il utilise les deux montages de la BD, su son cadre et suspendu à un filin. Dans ce dernier cas, la diminution de la concentration de MES en s’éloignant du fond le contraint à effectuer des mesures de 35 min.
La campagne de mesure est continue sur 48 heures avec des vitesses moyennes de 0.9 m. s-1 et un grain moyen compris entre 1.5 et 2.0 mm.
Il montre au final une vitesse de déplacement des dunes proche de 0.9 m. h-1 et des corrélations entre la variation de la profondeur engendrées par le déplacement de ces dunes et les variations de la charge de fond dans le temps.
Gautier et al. (2007), utilisent la BD sur la Loire pour mettre en avant la charge morphogène du cours d’eau pendant une phase de décrue. Comme précédemment, la BD est couplée à un BTMA qui mesure lui la charge de fond. Cette mission a permis d’analyser 14 verticales pour fournir un jeu de données initiale. Les premiers traitements permettent la mise en évidence de la charge morphologique dans une tranche d’eau variant de quelques centimètres à quelques décimètres sur le fond. Cette charge a des caractéristiques granulométriques différentes du charriage ou de la suspension et a un rôle prépondérant dans l’évolution morphologique de la Loire qu’il faut suivre.

Bibliographie

Beverage, J.P. et Williams, D.T., 1989. COMPARISON - US P-61 AND DELFT SEDIMENT SAMPLERS. Journal of Hydraulic Engineering-Asce, 115(12): 1702-1706.
Buzas, Z., Starosolszky, O. et Laszlo, R., 2002. Draft report for WMO RA VI. Sediment transport Survey, World Meteorogical Organization, Hungary.
Dijkman, J., 1978. Some characteristics of the USP-61 and Delft Bottle, Delft University of Technology, dept of civ.eng., Delft, Netherland.
Dijkman, J., 1981. Investigation of characteristic parameters of Delft Bottle, Delft Hydraulics Laboratory, Delft, Netherland.
Dijkman, J. et Milisic, V., 1982. Investigations on suspended sediment samplers, Delft hydraulics laboratory and Jarolslav Cerni institute, Delft, Netherland.
Eijkelkamp, 2003. 04.31 Suspended load sampler Delft bottle type. Operating instructions, Giesbeek, Netherland.
Gautier, J.-N., RODRIGUES, S., Peters, J.-j., Peeters, P. et Jugé, P., 2007. Transport solide en Loire moyenne lors des crues : Justification des mesures in situ et quantification. In: Société hydrotechnique de France (Editor), Transports solides et gestion des sédiments en milieux naturels et urbains. SHF, Lyon, pp. 41-48.
Peters, J.J., 2002. Appui ponctuel à la restauration de la ligne d'eau en Basse Loire par expertise des mesures bathymétriques réalisées au Printemps 2001 et adaptation du protocole du suivi a la Fresne sur Loire / Ingrandes, Agence de l'eau Loire Bretagne.
Plancke, Y., Peters, J.J. et Ides, S., 2006. Morphological management in estuaries conciliating nature preservation and port accessibility. In: Y. Peeters et al. (Editors), Flanders, a maritime region of knowledge (MAREDFlow). VLIZ Special Publication, Oostende, Belgium, pp. 35-55.
Van Rijn, L.C., 2006. Manual sediment transport measurements. Aqua publication, Blokzijl, Netherland.
Zanen, I.A., 1967. The résults of continuous bed load measurements related to fluctuation of theriver bed. In: A.i.d.h. scientifique (Editor), IUGG et IASH, assemblée générale, commission des eaux de surface, Symposium on river morphology. Association internationale d'hydrologie scientifique, Berne, pp. 489-501.

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