Travaux de recherche






Depuis toujours, l’homme s’installe à proximité des cours d’eau pour des besoins vitaux, ressource en eau, commerce, énergie. Cette proximité des installations anthropiques avec le cours d’eau entraine une vulnérabilité des populations face aux crues, mais également face aux pollutions d’origines industrielles, principalement depuis la fin du XIXe siècle. Afin de palier au risque inondation, des aménagements sont mis en place pour protéger les biens et les personnes sur le Rhône depuis le XIIe siècle. Ces aménagements couplés aux variations globales de l’hydrosystème (variations climatiques, aménagement du bassin versant) ont provoqué la morphogenèse des systèmes fluviaux. Dans les milieux anthropisés, les hydrosystèmes actuels ne sont plus que des systèmes alluviaux « artificialisés », ayant enregistré la pression anthropique et les variations du changement global.
La recherche sur les hydrosystèmes continentaux anthropisés est donc une nécessité, pour deux raisons principales :
·         L’étude pluridisciplinaire de l’évolution des hydrosystèmes est un indicateur des rapports qu’entretiennent les sociétés au cours du temps avec le système alluvial, notamment concernant la gestion du risque, et d’analyser comment l’hydrosystème et sa gestion, ont évolué.
·         L’étude des aménagements éclaire sur les impacts parfois irréversibles qu’ils génèrent sur le fonctionnement des cours d’eau, pouvant entrainer un risque pour les populations actuelles (inondation, stockage de sédiments pollués …) ou pour l’équilibre écologique des milieux.
C’est avec un regard de géographe physicien que, depuis ma maîtrise, je réalise des recherches sur les hydrosystèmes fluviaux à partir de cet état de fait. Elles reposent sur deux axes principaux : l’analyse de l’évolution géomorphologique des milieux fluviaux et la quantification des flux solides actuels en transit dans les grands fleuves. C’est à partir de ces axes de recherche que j’ai étudié les interactions entre l’homme et le cours d’eau, principalement sur le Rhône, mais aussi sur le Danube. Il en ressort 5 thèmes de recherche qui apparaissent dans la figure ci-dessous où s’inscrivent mes travaux scientifiques : Anthropisation du fleuve, Géoarchéologie, Risque inondation, Flux de matières en suspension et Quantification de la charge de fond.

Figure 1 : Organisation thématique de ma recherche depuis la maitrise

Mes recherches se déroulent dans trois unités temporelles différentes mais qui s’interconnectent entre elles afin de fournir des réponses aux différentes questions scientifiques auxquelles elles correspondent.
Le fonctionnement fluvial depuis 2 000 ans. Une des problématiques archéologiques actuelles est d’appréhender comment les sociétés anciennes interagissaient avec les grands organismes fluviaux à proximité desquels elles s’installaient. Quels étaient les points d’implantations anthropique à proximité du cours d’eau, comment s’effectués la traversée du fleuve ou comment les populations géraient le risque inondation. L’étude de sites archéologiques par une approche géomorphologique dans le delta du Rhône et sur le linéaire fluvial permet d’alimenter la réflexion
L’évolution récente. A partir du milieu du XIXe siècle, les sociétés cherchent à domestiquer les cours d’eau. Sur le Rhône, cela se traduit par des aménagements qui modifient la géométrie du chenal et donc son fonctionnement, induisant la simplification du lit mineur et la sédimentation sur les berges. La compréhension des mécanismes morphologiques engendrés par ces aménagements est une nécessité pour apporter des réponses claires aux gestionnaires sur l’évolution de l’aléa inondation dans un milieu artificialisé, la définition d’un état de référence des cours d’eau, la restauration d’espace de liberté, comme mentionné dans la Directive Cadre sur l’Eau, ou la renaturation d’espaces soustraits au fleuve, dans le cadre du Plan Quadriennal de Gestion du Rhône.
Le fonctionnement instantané. Les milieux alluviaux, comme le Rhône, subissent encore l’impact  de plusieurs siècles d’aménagements. L’analyse des flux en transit permet d’apporter des réponses sur les contraintes que génèrent encore ces aménagements sur la circulation des sédiments dans le milieu. Cette question recoupe les problématiques précédentes, en y ajoutant la question des flux de sédiments pollués et du risque encouru par les populations vis-à-vis des éléments traces potentiellement contaminant (PCB, radionucléides, métaux lourds…), mais également dans les problématiques d’apports de matériaux aux embouchures dans la compréhension des mécanismes d’érosion du trait de côte.

L’étude géomorphologique des milieux alluviaux a un intérêt double pour les géomorphologues. Dans un premier temps la morphogenèse est un enregistrement des modifications des contraintes qui régissent le cours d’eau. Ces contraintes peuvent être de trois ordres : structurales, due aux variations à l’échelle du bassin (pression anthropique, changement climatique) ou encore d’un aménagement anthropique local. La géomorphologie va donc permettre d’étudier l’impact de l’anthropisation sur le fonctionnement des cours d’eau. D’un autre côté, et réciproquement, elle va permettre de comprendre les relations qu’entretiennent les sociétés actuelles ou passées avec le cours d’eau, notamment face au risque inondation.

Thème 1 : Impact de l’anthropisation récente

L’impact de l’anthropisation sur le fonctionnement du système fluvial Rhodanien depuis 150 ans est le sujet principal que j’ai exploré au cours de ma thèse, avec comme site d’étude le Rhône en aval de Beaucaire.
En me basant sur des recherches d’archives et en utilisant les SIG, j’ai dans un premier temps constitué un SIG diachronique de l’évolution de l’occupation du sol et de la chronologie des aménagements depuis le milieu du XIXe siècle (Figure 3). Le croisement de ces données avec les informations sur l’évolution des forçages externes (déprise rurale, changement climatique…) m’ont permis de montrer la simplification du fleuve, passant d’un système en tresse au milieu du XIXe siècle à un chenal unique à l’heure actuelle, et de caractériser des forçages anthropiques sur les différents compartiments du système fluvial rhodanien aval comme le présente le tableau ci-dessous,
Type de forçage
Période de forte influence  sur l’environnement
Conséquences sur le débit solide
Compartiment influencé
Charge en suspension
Charge de fond
Influence directe
Influence indirecte
Digues sub- et insubmersibles
D’avant 1850 à après 1990
î
ì
1-2-3
4-6
Pression agricole
Jusqu’en 1850
ì
ì
1-2-3
4-6
Endiguement Embouchure
De 1850 à 1960
Û
ì
4
5-6
Reboisement RTM et spontané
De 1850 à après 1990
î
î
1-2-3
4-6
Casiers « Girardon »
De 1850 à après 1990
î
Û
2-3
4-6
Extraction
De 1960 à 1990
Û
î
3
4-5-6
Barrages
De 1960 à 1990
î
Û
1-2-3
4-5-6
Aménagements de défense côtière
Après 1960


5
4-6
Figure 2 : Chronologie des principaux forçages anthropiques influençant les apports sédimentaires sur le Rhône aval (Maillet et al., 2007)

Une fois la spatialisation effectuée dans le SIG diachronique (Figure 3), j’ai cherché à quantifier les volumes mis en jeu par la métamorphose du système fluvial. A partir de données bathymétriques, de lignes d’eau et de topographie dans la plaine alluviale, j’ai développé une méthode inédite permettant de reconstruire la paléo-topographie du chenal et de la plaine dans un système de projection verticale commun. Cette méthode permet d’intégrer les berges dans les études d’évolution du milieu, qui jusqu’à présent se concentraient sur le chenal ou sur la plaine alluviale. J’ai construit un Modèle Numérique de Terrain (MNT) du système fluvial rhodanien entre Beaucaire et Arles en 1876, que j’ai comparé avec le MNT de 2008. Les résultats montrent une érosion de 17.0 106 m3 en 150 ans, localisée principalement dans le chenal et des dépôts sédimentaires de 27.1 106 m3 dans les bras secondaires et sur les berges. L’importance de ces dépôts montre l’intérêt de développer la méthode d’homogénéisation des projections verticales qui intègre ces derniers.
J’ai pu continuer ces travaux de recherche dans le cadre de mon contrat de Post-doc AXELERA en intégrant des MNT du système fluvial de 1950 et de 1988 dans le modèle d’évolution (Figure 3). Il en ressort, que la majeure partie du colmatage des bras secondaires s’est effectuée dès la mise en place des aménagements de fermeture de ces bras et que les berges s’engraissent plutôt depuis les années 1950. Ces résultats ont été validés et affinés localement par des analyses spatiales à des échelles spatio-temporelles plus fines et par des analyses de terrain multi-proxies en collaboration avec l’IRSN DEI SESURE pour la partie radionucléides et l’IMEP UMR 6116 pour la partie dendrochronologie, notamment sur une coupe sédimentaire à l’entrée de la lône du Pillet (localisée sur la Figure 3). Les gestionnaires du fleuve (Compagnie Nationale du Rhône, Syndicat de gestion des digues(Symadrem)) sont demandeurs de ce type de résultats qui leurs permettent de cibler les actions à entreprendre dans l’aménagement du fleuve pour lutter contre le risque inondation (Plan Rhône 2007-2013), de connaitre les stocks potentiels de sédiments pollués dans le système (Agence de l’eau RMC, Compagnie Nationale du Rhône) et d’apporter une information quantifiée sur le rapport entre le stockage sédimentaire sur les berges et les déficits sédimentaires à l’embouchure du Rhône (Agence de l’eau).
Cette thématique de recherche a fait l’objet d’un chapitre de livre sur l’erreur potentielle d’intégration des cartes anciennes dans les SIG (Raccasi et al., 2008), d’un article sur les résultats du SIG diachronique (Raccasi and Provansal, 2006; Provansal et al., 2009) et d’un article et d’un chapitre de livre sur l’impact des aménagements sur le milieu (Maillet et al., 2007). L’étude de l’évolution quantifiée et de la méthode mise en place pour reconstruire les MNT intégrant les berges fait l’objet d’un article en préparation et l’étude multi-proxies d’une coupe à fait l’objet d’une publication (Provansal et al., 2010).

Figure 3 Evolution de l'Ile du Pillet depuis 1876. Les cartes d’occupation du sol (en haut (1876 et 2008) montrent l’évolution du système fluvial et les aménagements mis en place. En bas les 3 cartes montrent l’évolution topographique du système depuis 1876. 

Thème 2 : Relations anciennes entre l’homme et le fleuve

La géomorphologie appliquée à l’archéologie a été mon premier thème de recherche. Au cours de ma maîtrise et de mon DEA, les géomorphologues du CEREGE UMR 6635 m’ont offert l’opportunité de travailler en paléo-géomorphologie sur des sites archéologiques de Camargue en collaboration avec le CEPAM UMR 6130 et la Fondation Tour du Valat. L’objectif de cette recherche était de mettre en évidence la présence d’un paléo-chenal du Rhône à proximité d’un site archéologique. A partir d’une approche multi proxies, exploitant les outils classiques de la géomorphologie de terrain (ouverture de coupes, carottages, sédimentologie), la géomatique (SIG, télédétection) et les informations fournies par les archéologues, j’ai pu localiser et déterminer avec précision les caractéristiques du paléo-Rhône d’Ulmet sur le site Archéologique du grand Parc. J’ai également pu à partir de cette recherche identifier et dater le fonctionnement des bras fossiles du Rhône d’Ulmet depuis le V° siècle av. J.-C. jusqu’à son colmatage en 1440 (Figure 4).

Figure 4 : Cartographie des divagations du Rhône d'Ulmet Effectuée par une approche multi-proxies à partir de carottages, analyses spatiale, données archéologiques (in Vella et al., 2005)
Ces résultats ont été valorisés dans deux publications d’orientation scientifiques différentes : la première, dans les Documents d’Archéologie Méridionale, est issue de la collaboration plutidisciplinaire. Elle présente l’évolution du paysage fluvial sur la période d’occupation du site (Pasqualini et al., 2004). La deuxième, d’orientation géomorphologique, est publiée dans Marine Geology (Vella et al., 2005) porte sur l’évolution holocène du delta du Rhône.
Plus récemment mes recherches en géo-archéologie se concentrent sur le Rhône dans la traversée d’Arles au cours de l’Antiquité romaine. J’ai ainsi participé à la fouille du pont de bateau romain pour apporter une expertise géomorphologique à la question du positionnement du pont par rapport au fleuve, dont les conclusions font l’objet d’un chapitre du volume de l’exposition « César et le Rhône » au Musée de l’Arles Antique (Bizot et al., 2009).
J’ai également effectué des recherches sur le potentiel archéologique dans le Rhône en amont d’Arles à partir d’archives cartographiques anciennes et de télédétection haute résolution (sonar latéral, bathymétrie), qui font l’objet de deux rapports remis à la Compagnie Nationale du Rhône.
Ces recherches archéologiques dans la ville d’Arles apportent des éléments d’interprétations supplémentaires sur la géomorphologie du Rhône à l’époque romaine. Elles devront être poursuivies pour analyser le niveau de protection des populations face au risque inondation, en modélisant les hauteurs d’eau dans le chenal romain.

Thème 3 : Risque inondation





La question de l’évolution du risque inondation est à l’origine de mon sujet de thèse : comment expliquer qu’en Décembre 2003, pour des débits plus faibles que ceux de la crue de référence de 1856, le Rhône, entre Beaucaire et Arles ait débordé de ses digues dites insubmersibles, alors qu’en 1856, la ligne d’eau n’avait pas atteint la crête de ces mêmes digues ?

 
Figure 5 : Evolution de la ligne d'eau de Beaucaire à Arles entre 1876 (11 640 m3 s-1) et 2003 (11 500 m3 s-1)
Les recherches menées pendant ma thèse sur l’évolution de la morphologie du fleuve m’ont permis de répondre à cette question : entre 1876 et 2008, malgré un enfoncement du chenal provoqué par les aménagements, le système sédimentaire fluvial global a un bilan en excès de +10.1 106 m3. L’interprétation des résultats dans un SIG permet de spatialiser principalement ces accumulations dans les chenaux secondaires et sur les berges.
Au cours de mon post doc AXELERA, j’ai affiné la chronologie de la sédimentation en intégrant des données topographiques des années 1950 et 1980. Il en ressort que la majeure partie de ces accumulations est localisée dans les chenaux secondaires avant les années 1950, puis sur les berges à partir de cette date. Ces résultats fournissent aux aménageurs des informations sur les secteurs où la remobilisation sédimentaire doit être mise en œuvre pour abaisser la ligne d’eau en cas de crue.


Mes objectifs de recherche dans cet axe sont liés aux bilans sédimentaires mis en évidence dans le thème 2 de l’axe 1, avec la question suivante : le système fluvial est il toujours soumit à des processus d’accrétion/érosion ? La spatialisation et la quantification des flux solides pourraient permettre de répondre en partie à cette question. De plus depuis l’industrialisation du bassin versant, des éléments traces potentiellement contaminants (PCB, radionucléides, minéraux lourd…)   polluent les sédiments : une meilleure connaissance des volumes en transit et des zones en accrétion/érosion apportera des informations cruciales dans la gestion des milieux alluviaux au regard de ce risque de pollution.

Thème 4 : Flux des matières en suspension

Ces travaux ont été engagés au cours de ma thèse et se sont poursuivi dans le cadre de mon post-doc AXELERA. L’objectif était ici de mesurer l’impact des aménagements fluviaux sur les flux de matières en suspension.
J’ai effectué des mesures par profileur de courant à effet Doppler (aDcp) dans les aménagements. Une partie de mon travail a consisté dans la calibration de l’intensité de rétro-diffusion du signal pour obtenir une quantification du flux solide à l’aide du logiciel Sediview, qui a subi une batterie de tests pour validation. Afin d’obtenir un maximum de données pour analyser le transport solide j’ai organisé en 2006 la première « régate » multi aDcp en France, avec la Compagnie Nationale du Rhône et le Cemagref laboratoire HH. Ce concept de « régate » a ensuite été repris au sein du Groupe Doppler  pour la validation des mesures par aDcp.

Figure 6 : Méthode de calibration de l'intensité de la rétrodiffusion pour obtenir des flux de MES. Les profils acquis par aDcp sont corrélés dans le logiciel Sediview pour obtenir une image de la répartition des débits solides sur la section instrumentée. La calibration a permis de quantifier la séparation des flux solides au niveau de la diffluence entre Grand et Petit Rhône. (Raccasi et al., 2007)
L’interprétation des résultats m’a permis de démontrer que La répartition des matières en suspension entre le Grand et le Petit Rhône est similaire à la réparation des flux liquides (donnée inédite) et que l’aménagement de la diffluence deltaïque joue un rôle de premier plan dans les problèmes de colmatage à l’entrée du Petit Rhône. J’ai également montré la spécificité des aménagements du Rhône aval dans le piégeage sédimentaire. Au cours de mon contrat post-doc AXELERA, j’ai continué ces travaux sur le Rhône pour montrer les disfonctionnements de la réouverture d’un chenal secondaire, dans le cadre des programmes de renaturation des marges alluviales.
Je me suis également impliqué dans la recherche sur le fonctionnement hydrosédimentaire du delta du Danube, grâce au programme Brancusi avec le laboratoire Géoécomar. J’ai étudié l’impact du recoupement des méandres du bras de Saint Georges, destiné à faciliter la navigation, sur la répartirion des flux de matières en suspension entre l’ancien et le nouveau bras, par mesure aDcp. Ces travaux ont confirmé par des mesures en flux le colmatage de certains méandres suite à l’aménagement (Figure 7).
La validation de la calibration de l’aDcp par Sediview a fait l’objet d’une communication à la Société Hydrotechnique de France dont les actes ont été publiés en 2007 (Raccasi et al., 2007). Les travaux sur le Danube ont eux été publiés dans Géomorphology (Jugaru Tiron et al., 2009).





Figure 7 : Analyse des flux au niveau d’un recoupement de méandre sur le bras de Saint George (Delta du Danube, Roumanie). Mise en évidence du colmatage du bras court-circuité par un modèle en boite à partir de la calibration sous Sediview de mesures aDcp pendant une crue centennale. (Jugaru Tiron et al., 2009)

Thème 5 : Quantification de la charge de fond

Au cours de ma thèse, les résultats obtenus sur la géométrie du Rhône entre Beaucaire et Arles au milieu du XIXe (cf. thème 2) m’ont permis de modéliser avec le logiciel SAMWin la capacité de transport de la charge de fond dans le chenal à cette période (1876) et en 2006. L’analyse des résultats montre une évolution spatiale de la capacité de transport sur le linéaire entre ces deux dates avec une capacité de transport maximale au PK 276, puis une diminution vers la diffluence (Arles). Globalement, le chenal a une capacité de transport plus importante aujourd’hui qu’il y a 150 ans. Il est donc possible d’en déduire que les aménagements et le changement global (évolution de l’occupation du sol sur le bassin versant et variation climatique) ont permis une modification de la géométrie du lit favorisant son enfocement par érosion du plancher alluvial.
Le maintien de la profondeur du chenal est à l’heure actuelle une nécessité économique pour la navigation. La renaturation des espaces rivulaires par la modification de certains aménagements du XIXe siècle, devra prendre soin de ne pas provoquer un abaissement de la capacité de transport, au risque de voir diminuer le tirant d’eau.


Figure 8 : Modélisation de la capacité de transport du Rhône entre Beaucaire et Arles sur 5 profils en 1876 et 2006. En 1876, seul le profil 276 peut engendrer un déplacement de la charge de fond (Raccasi, 2008)
Les compétences acquises et ma connaissance du Rhône m’ont permis après ma thèse d’obtenir un contrat post doc dans le cadre de l’ANR EXTREMA pour quantifier les flux de charge de fond sableuse à l’embouchure du Rhône par suivi bathymétrique et piégeage en flux. A partir d’un suivi bathymétrique haute résolution et de collaborations que j’ai établies avec l’Université de Twentee et l’IRSN DEI SESURE, j’ai pu caractériser et quantifier le déplacement des dunes hydrauliques dans le chenal (Figure 9). Par mes mesures, j’ai calculé le bilan sédimentaire à proximité de l’embouchure (1.3 106 tonnes pour une crue annuelle) en intégrant 3 données :  l’érosion du plancher alluvial, qui est à l’origine de la remise en suspension des sables, la masse sédimentaire déplacée par les dunes hydrauliques et le flux de matières en suspension (fourni par la station SORA à Arles ). Ces résultats obtenus dans le cadre de l’ANR EXTREMA font l’objet d’un article en cours de soumission (Raccasi et al., Soumis-b).



Figure 9 : Différentiel entre les modèles numériques de terrain du fond du chenal encadrant une période d’étiage (à gauche) et une crue (à droite). Au cours de l’étiage le fond du chenal est stable, alors qu’après le passage de la crue, l’alternance de bandes perpendiculaires au chenal, en érosion (rouge) et en accumulation (vert), montre le déplacement des dunes hydrauliques. (Raccasi et al., Soumis-b)

Conclusion

Ma recherche montre que la compréhension de l’évolution des cours d’eau et de la dynamique actuelle du transport solide, même si elles sont abordées indépendemment l’une de l’autre, sont fortement corrélées. En effet, l’organisation des flux solides va dépendre des contraintes imposées au milieu fluvial le plus souvent par les aménagements, et la réaction du cours d’eau à ces aménagements va être fonction de la disponibilité de matériaux dans le flux du cours d’eau.
A partir des études que j’ai menées jusqu’à présent sur le Rhône, j’ai pu montrer l’impact des aménagements récents sur le fonctionnement du fleuve et quantifier les volumes sédimentaires mis en jeu par ces aménagements et encore en transit dans le Rhône aval. Mais ces études restent très localisées et afin de valider les méthodes inovantes que j’ai développées (reconstruction topographique des espaces fluviaux ancien, quantification du flux solide par profileur de courant) et afin de mieux comprendre les processus qui régissent le fonctionnement du Rhône à l’échelle du Bassin versant et de ses relations avec les sociétés passées, il est nécessaire de projeter ces travaux sur l’ensemble du corridor fluvial depuis Genève jusqu’à la mer dans un premier temps avant de chercher à les valider sur d’autres grands organismes fluviaux anthropisés comme le Rhin le Danube ou le Pô.

J’ai également noué des partenariats dans des champs plus ou moins éloignés de mon thème de recherche principal, sur des problématiques d’érosion littorale en Méditerranée (avec mes collègues du CEREGE UMR 6635) ou encore une thématique écologique dans le cadre des changements globaux avec l’étude sous SIG de l’évolution de l’aire de répartition d’Aedes caspius inféodée aux variations de la limite du climat méditerranéen (avec les scientifique de l’IMEP UMR 6116 et de la Tour du Valat).
Mon activité ne se limite pas à des travaux de recherche, mais consiste également à une participation active à la formation d’étudiants par des charges d’enseignement et le co-encadrement de travaux de Master. Je collabore aussi activement au montage et à la gestion de projets avec les laboratoires auxquels je suis associé, dont la programmation de colloques scientifiques (excursion du meeting Large River de l’IAG en 2007, l’organisation des Journées des Jeunes Géomorphologues en 2011, le montage de l’ANR PAVAGE sur le Pont d’Avignon, et du projet Axelera dans le pôle de compétitivité Chimie Environnement). Je suis également de par mes sujet d’étude et ma volonté en relation étroite avec les gestionnaires (Syndicat de gestion de digue (Symadrem), Compagnie Nationale du Rhône, service environnement de la région PACA…) et les bureaux d’études pour lesquels j’effectue des études appliquées (Sogreah, Ginger, Sce…).

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