Dans le cadre du projet Axelera PCB-SFR, j'ai utilisé la géomorphologie pour mettre en évidence les
zones potentiellement contaminées par
des pollutions aux PCB au cours du temps. Ces éléments ont des caractéristiques
vis-à-vis du milieu sédimentaire qu’il est nécessaire de connaitre afin de
déterminer leur présence potentielle dans les sédiments (en fonction notamment
de la granulométrie), il était également nécessaire de prendre connaissance de
l’histoire de la pollution aux PCB dans le Rhône avant d’approfondir les
recherches. La majeure partie des informations présentées ci-dessous sont issues
du Rapport d’Information de l’Assemblée Nationale sur le Rhône et les PCB une
pollution au long cours (Meunier, 2008).
Dépôts mis à nue par l'érosion sur une berge du petit Rhône
Les PCB
Synthétisés en laboratoire dès 1881 en Allemagne, les
PCB, ou polychlorobiphényles, sont des produits chimiques artificiels dérivés
du benzène par chloration du radical biphényle. Au cours de la chloration, les
atomes de chlore (au nombre de un à dix) sont substitués aux atomes d’hydrogène
du radical. Les composés organiques ainsi obtenus présentent des propriétés
spécifiques : une grande stabilité à la chaleur, une très faible inflammabilité
et une très grande viscosité.
La formule générale des PCB est
C12 Hx
Cly
x compris entre 1 et 9 et y entre 1 et 10
(en fonction du nombre de liaison laissé disponible par Hx)
Cela permet d’obtenir 209 molécules différentes, ou
congénères différents, mais dans la réalité seul 130 à 150 sont réellement
stable dans le temps (période de demi vie comprise entre 94 jours et 2700 ans)
et furent utilisés à des fin industrielles par mélange de plusieurs congénères
dans les produits commercialisés, l’isolation des différents congénères étant
difficile. Non soluble dans l’eau, ils vont se fixer sur les sédiments et les
matières en suspensions dans les cours d’eau.
En France les premières productions de PCB se sont
développées au cours de la Première Guerre Mondiale, pour la fabrication des
gaz chlorés déjà utilisés par les Allemands. Afin de localiser ces industries
loin du front la région Grenobloises fut choisies pour l’implantation et par la
suite cette industrie militaire à transférer son savoir faire au milieu
industriel. En France, ces PCB ont été commercialisé sous plusieurs
appellations en fonction de leur origine, dont le plus connue du public est le
pyralene.
La production mondiale de PCB, entre le début de leur
production industrielle en 1929 et leur interdiction en France en 1987 est
estimée à environ 1.3 million de tonnes, dont près de 400 000 tonnes seraient
actuellement dispersées dans l’environnement. Sur une période plus courte, la
production cumulée des deux unités principales de production françaises de
Jarrie et de Pont-de-Claix est estimée à près de 180 000 tonnes dont environ
124 000 tonnes (78 %) étaient destinées au marché français.
Il est particulièrement malaisé d’appréhender le volume
cumulé total de PCB présent sur le territoire national car, outre les 140 000
tonnes de la production française destinées au marché national, toutes
utilisations confondues pendant 35 années, il conviendrait d’ajouter, sur cette
même période, les volumes contenus dans les appareils et les produits finis
importés…
Bien que les effets sanitaires sur l’homme des PCB aient
été connus dès 1937, ce n’est qu’après un épisode d’intoxication massive au
Japon et à Taïwan à la fin des années soixante et la mise en évidence de leur
présence persistante dans les milieux naturels que la Suède (1972), les États-Unis
(1976) et la France (1979) ont interdit leur utilisation en application
ouverte, puis que leur production, leur utilisation et leur commercialisation
ont été interdites définitivement en France en 1987.
Les PCB dans le basin du Rhône
Entre 2005 et 2007, une série d’analyses sur des poissons
ou sur les sédiments du Rhône a montré des taux de contaminations aux PCB
supérieurs aux normes en vigueurs. Ces analyses ont été effectuées dans l’étang
du Grand Large, le canal de Jonage, puis en plusieurs points du linéaire
Rhodanien. Les résultats mettent en évidence un pic de pollution à l’aval du
rejet d’une entreprise de traitement de déchets de PCB (Trédi), localisée à
Saint-Vulbas dans l’Ain. Il est donc nécessaire d’identifier l’historique des
rejets de PCB dans le fleuve par les diverses entreprises utilisant ces
composés chimiques.
L’entreprise Tredi est spécialisée dans le traitement et
l’incinération de déchets dangereux et dans la décontamination des matériels.
Elle est habilitée depuis 1985 (après 2 ans de tests) à traiter les les déchets
contenants des PCB. Les premières analyses de contamination en PCB du milieu en
1986 montrent déjà des teneuses moyennes en PCB totaux de 5.36 mg kg-1
de poisson frais (teneur max : 2 mg kg-1 en 1988, puis 8 pg g-1
en 2006), avec des taux pouvant être 7 fois plus élevés. Entre 1994 et 2006, le
suivi des rejets montrent un volume total déversé au Rhône de 44 kg (9 g jours-1).
Avant la découverte en 1986 de la pollution des poissons
du Rhône, il n’existe pas de réglementation sur les rejets de PCB, c’est à
partir de 1987 que des arrêtés préfectoraux viennent encadrer les rejets.
Période
|
Niveau maximum de rejets autorisés
(en g j-1)
|
Période
|
Niveau moyen de rejets constatés (en g j-1)
|
1987-1991
|
1 500
|
1987-1989
|
100
à 300 (pointes à 1 500)
|
1991-1995
|
500
|
1990-1996
|
10
à 40
|
1995-2007
|
200
|
1997-2006
|
2
à 8
|
juillet 2007-avril 2008
|
10
|
A
compter d’avril 2007
|
<
à 1
|
Depuis
juillet 2007
|
<
à 0,5
|
||
depuis le 3 avril 2008
|
5
|
|
|
En raison de la spécificité de son activité, l’entreprise
Trédi, seule autorisée en Rhône-Alpes à rejeter des PCB, est apparue comme un
symbole de cette pollution au moment où le Rhône était de nouveau le théâtre
d’une crise importante. Malgré une contribution historique incontestable à la
pollution du fleuve, elle ne peut cependant être tenue pour unique responsable.
En effet, nombre d’autres sites industriels ont été
identifiés ou sont suspectés au titre de leurs activités antérieures par la
DRIRE comme sources historiques potentielles de rejets de PCB : environ
115 pour l’ensemble du bassin et 90 pour la région Rhône-Alpes. Il s’agit soit
de sites répertoriés du fait de leur pollution des sols ou ayant procédé à des
rejets dans l’eau ou ayant été le lieu d’accidents avec rejet de PCB, soit de
sites suspectés de rejets en raison de leurs activités (fabrication ou
réparation de gros matériels électriques, décontamination des huiles,
fabrication de produits de synthèse mettant en œuvre des réactions avec des
composés aromatiques et des composés chlorés).
A l’heure actuelle la DRIRE a dressé une liste de 17
sites pour l’ensemble du bassin versant suspectés de rejets de PCB.
L’usine d’Arkema, située sur la Durance à Saint-Auban
dans les Alpes-de-Haute-Provence, qui synthétise des produits chlorés est le
deuxième site du bassin versant encore autorisé à effectuer des rejets de PCB
dans la Durance (affluente du Rhône). En 1989, les quantités de rejets
autorisées étaient de 600 g j-1 au maximum avec une moyenne
mensuelle qui ne devait pas dépasser les 200 g j-1. Comme sur le
site de Trédi, les rejets ont diminué depuis, en 1996, ils étaient de 1000 g (3
g j-1) pour passer à 100 g en 2006.
Au-delà
des faibles rejets autorisés des entreprises sous contrôle, des sources de
pollutions demeurent. Pour autant, le poids respectif des apports de PCB via
les rejets des stations d’épuration, les boues des stations d’épuration, la
contamination atmosphérique et le lessivage des sols pollués ne sont pas encore
évalué, non plus que la somme des pollutions diffuses d’origine artisanale ou
domestique. De plus, certaines activités échappant de par leur volume à la
réglementation ICPE peuvent être source de pollution, en particulier celles de
ferraillage et de récupération des métaux. Selon les informations recueillies
auprès des DRIRE Rhône-Alpes et PACA, les rejets sauvages ou accidentels
seraient en outre, à l’heure actuelle, bien supérieurs aux rejets autorisés. En
effet, des friches industrielles, d’anciens ateliers, d’anciens supermarchés,
voire d’anciennes décharges, dès lors qu’ils ne sont pas surveillés,
constituent également des réservoirs de pollution, pour peu qu’ils accueillent
des transformateurs ou d’autres appareils susceptibles d’être ouverts et
vandalisés par des personnes à la recherche de métaux (de nombreuses pollutions
ont été constaté dans ce sens).
En conclusion, les apports de PCB au Rhône ont débuté
dans les années 1930, avec un pic de pollution dans les années 1960 dans le
couloir de la chimie et sur l’Ain. A partir de 1979, c’est entreprises stoppent
la production et donc la diffusion de PCB dans le fleuve, mais deux sources
principales persistent : Trédi en amont de Lyon et Arkema sur le Durance.
Ces deux entreprises sont soumises depuis 1986 à des contrôles de leur
déversement de PCB dans le milieu qui ne cesse de diminuer, mais les sources de
pollutions que sont les anciens postes électriques ou les rejets de stations
d’épurations (qui concentrent les polluants) peuvent être encore relativement
important et sont difficilement quantifiable. Les PCB se fixant sur les
sédiments ou les MES, c’est tous les stocks sédimentaires issues du bassin
versant depuis les années 1930 qui peuvent contaminés.
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